lundi 31 décembre 2012

Invantaire des effaitz de feu Yzac Robert

« Un demy pot estain, trois escuelles, un plact, une salière, & deux petitz culière estain demy uzés. »
Anthoine Jaussaud, Invantaire des effaitz de feu Yzac Robert   1686.
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« L’an mil six centz huictante six, et le traitziesme jour du mois de septambre après midy », Suzanne Robert ouvre les portes de sa maison, afin que l’on dresse l’« invantaire des effaitz de feu Yzac Robert », décédé le 21 août, « pour ne confondre ses biens propres avec ceux de son dict feu mary ». Anthoine Jaussaud, notaire royal de Peyremale, assorti de Pierre Crégut et maître Jean Girard, ainsi que sieur Jean Dumasher et maître Jacques Jaussaud, « voizins et admis de feu Yzac Robert, ayant été mandés venir », entrent dans la maison d’habitation.
« Et, premièrement, estant dans le chambre cuizine de ladicte mai[s]on, a été trouvé une couchette fine lichotte avec sa paliasse couverte de deux linseulz, le tout pauvre valleur, dans laquelle lad[i]te Roberte est gissante de maladie ». Malgré le sombre tableau qui apparaît à la lecture du début de cet inventaire, la veuve Robert, que l’on se figure mourante, alors qu’elle survivra une vingtaine d’années encore, fera mener les cinq hommes dans les différents corps de la propriété, sous la conduite de ses fils.
Dans la pièce principale, ni table, ni chaises ; seuls « deux bans de bois pour s’assoir ». La vaisselle est réduite : « un demy pot estain, trois escuelles, un plact, une salière, & deux petitz culière estain demy uzés » constituent l’essentiel. « Une poille à frire & une autre poille servant à rotty les chastaignes » font parties — comme aujourd’hui encore —, des ustensiles indispensables, propres à toutes les maisons de notre village…
Le mobilier est rare. Peu de meubles, et encore, « lesquelz meubles lad[i]te Roberte a dict luy apartenir elle seul et non aud[it] feu Robert son mary, pour avoir estés de feu Jean Robert père de lad[i]te Suzanne ». En effet, c’est par son union avec Suzanne, qu’Yzac Robert était arrivé dans la maison du Claux, en 1652, « y estant antré pour gendre ».
« Et estant sortis de ladicte mai[s]on & entrés dans un toit à conchon, a esté trouvé un pourceau ». Plus loin, « dans un autre petitte cour, a esté trouvé une brebis à leyne ». Également, une « petitte cuve toute neufve ramplie de razins foulés coulant environ cinq charges, lesquelz razins lad[i]te Roberte a dict ne devoir estre invantorizés pour estre proveneus sa plus grande partie de ses vignes ».
Bien que l’on ne le concevait guère plus fastueux, cet inventaire, semblable à des dizaines d’autres, décrit bien l’humble et quasi austère intérieur de l’ostal cévenole.
Un registre lu, pour la première fois, il y a vingt ans, en 1992, et déchiffré au cœur de l'hiver peyremalenc.

mercredi 19 décembre 2012

Traité des reliques

« Les dernières reliques qui appartiennent à Jésus-Christ sont celles qu'on a eues depuis sa résurrection, comme un morceau de poisson rôti que lui présenta saint Pierre, quand il s'apparut à lui sur le bord de la mer. Il faut dire qu'il ait été bien épicé, ou qu'on y ait fait un merveilleux saupiquet, qu'il s'est pu garder si longtemps. »
Jean Calvin, Traité des reliques   1543.
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Où l'on pourrait creoire qu'un tel texte feust escript par le sieur Desproges, en d'aultres espoques. Il n'en est rien. Cet humour, railleur, est de l'œuvre et de la plume de Jehan Calvin, resformateur tant satirique qu'il semble le plus acerbe des hérétiques de son tempz. Dans son Traité, il s'attaque à l'idolastrerie papiste, incrimine fermement l'Esglise catholique, apostolique et romaine, laquelle voue un culte des reliques dont il se moque et qu'il condamne, comme tout protestant, avec violence, l'accusant au passage pour son incohérence générale.
Pour cet ouvrage, publié en 1543, en français (et non en latin), on ne sait quelles sources utilisa le théologien pour inventoriser de la sorte. Mais les exemples, nombreux, mesme si non exhaustifs, sont exacts. Tout comme le rire est souventes fois sous-jacent, mais toujours vif, cruel, volontairement agressif, pour poincter de l'index les adorateurs de la Vierge Marie, de saint Michel, de saint Jean-Baptiste, de quelques apostres et aultres saints, qui recensent ici un drap, là les ossements, ailleurs encore une dent ou des objets ayant appartenus aux personnages vénérés.

Un libvre lu par un descendant de Pierre Amat, dit
« le Viel », et Jehanne Jaussal, qui se marièrent en ladite année 1543, en pays calviniste, à Génolhac