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Le Mirandon est décrit par Ernest Durand, dans ses publications de 1898 et 1905. Et semble indiquer que ce nom a toujours été employé, par les gens d'ici, pour désigner la colline où est posée, depuis plus d'un millénaire, l'église, jadis surplombée par le castèl des seigneurs de Peyremale. Pourtant, nous ne trouvions le témoignage de cette appellation dans la micro-toponymie, malgré trente années de recherches en Archives. Jusqu'à l'hiver dernier, où des articles, datés d’avril et décembre 1609 ― des échanges entre Pierre Jaussal et Alexandre Gibert, puis une vente entre Maurice Mathieu et David Dumazert ―, rédigés par Simon Chamboredon, premier d’une dynastie deux fois centenaires de notaires Peyremalencs et Beaucairois, font clairement apparaître le mot Miradon(n)e, attestant de l'ancienneté du nom. Une découverte essentielle ; espérée depuis plusieurs décennies.
Ce Mirandon est sujet à la mémoire du village. Et, cette année, le Tour du Mirandon est dédié au souvenir de Jacques Larrieu, tragiquement disparu lors des inondations de l'automne dernier. Après une émouvante minute de silence, soixante-dix-sept coureurs s'élancent, en un souffle courageux. En quête d'ambitions pour certains, avec insouciance pour d'autres, sous le soleil et sa chaleur pour toutes et tous.
Nous traversons le Mas Herm, montons au Serre (où nous saluons les cousins Weiss), en crapahutant au-dessus des mas de Valadet et d'Argentclaux, du haut desquels plusieurs siècles nous contemplent. La sinueuse chicane de l'Elzière nous plonge en plein autrefois. Aucun mal à imaginer les gamins qui, jadis, braillaient en s’y poursuivant, ou les soldats royaux qui y pourchassaient nos ancêtres parpalhòts. Ce jour, c'est une autre sorte de horde qui piétine les ruelles caladées. On revient vers le Mas Herm ; Diego, à son poste de commissaire, nous guide vers le Chambonnet, en nous prévenant : « Attention, gardes-en un peu pour la suite, la course ne fait que commencer ! ». Il a raison, avec deux minutes d'avance sur le temps de l'an passé, dos au Ranc de Mirandon, nous entamons à peine la grimpée. Le moteur tourne, tel celui d'une R8 Gordini : rythme soutenu et régulier, justesse harmonique, envie non feinte, mais il a beau monter dans les tours, frôlant les marges rouges, la guimbarde conserve une vitesse cahotante et sa tendance au survirage.
Au gré des épingles de cette course de côte, nous constituons une alliance avec trois autres solitaires solidaires (Jean-Paul, Brigitte et Gilbert), dont les foulées assurées nous accompagnent bien dans l’ascension. À quelques centaines de mètres du sommet, un effort individuel nous permet de sortir du groupe, rattrapant même, plus haut, Céline, avant de basculer vers le dénivelé négatif du parcours, quatre minutes anticipées sur le chrono de 2014. Mais l'on paye cher cette accélération : dans la descente, les quatre coureurs précédemment écartés dévalent formidablement et disparaissent devant, tout comme Franck, fier puncheur, qui parvient tranquillement à nous doubler. Que ceux qui considèrent le Mirandon comme un ersatz de Marvejols-Mende s'y risquent ! L'infatigable Dédé, veillant sur deux péquelets qui rafraîchissent leur nuque dans le ruisseau de l'Oule, nous encourage : « Allez, tu connais le parcours par cœur ! ». Il a, lui-même, reconnu le tracé en courant, la veille, et l'effectue, à nouveau, ce matin, avec les marcheurs. On poursuit la descente, où, quasiment au même endroit, l'on reconnaît la jolie souris de l'été d'avant : cette course est vraiment formidable ! Plus loin, juste avant de tourner vers les Traverses (près du mas familial des aïeux de Gilbert), on aperçoit Eva, avec un peloton de marcheurs. Plus bas, on rassure Killian (il finira premier cadet), qui coince : « Courage, ce n'est plus que du plat, bientôt ! ».
Leurs situations de l'autre côté de la Cèze font des Traverses et des Drouilhèdes une sorte de presqu'île, qui les rapproche davantage de Bordezac que de Peyremale. Pas surprenant, qu'entre 1825 et 1840, sous l’injonction des Reboul père et fils (des parents de René Reboul, speaker de ce Tour du Mirandon ?), les voisins de Bordezac aient demandé le rattachement de ces lieux à leur commune — en vain, car les habitants desdits hameaux s’y opposèrent. Pour l'heure, on s'éloigne de Chanet, Chatusse et le Ranc ; on dépasse les mas de Courtès et du Rastel, ainsi que, plus difficilement, et à la faveur d'un tremplin, Franck, pour arriver à la passerelle que les anciens appellent encore la Planche de Gala. Là, il reste mille six cents mètres pour en finir. Une pecòla, si ce n'est la belle bosse du Malpas, puis la longue montée entre les Noguièrs et le Claux, où nous retrouvons Eva, dans son trio de marcheurs qui s'en va prendre les trois premières places du classement.
Même s'ils ne sont pas loin, si on les aperçoit encore, impossible de rattraper nos anciens compagnons. Gilbert arrive même à se classer sur le podium de sa catégorie, et c'est mérité ! Le Deneyriel est là — on ne sait depuis quand, exactement ; bien plus de cinq cents ans, sûr ! —, et l'on écrase la ligne d'arrivée avec cinq minutes d'avance sur le temps réalisé lors de la 31e édition. Un « exploit », que nous savourons secrètement.
Un registre du notaire peyremalenc, qui accompagna nos pensées durant toute l'épreuve ; une course préparée avec coach Matteo (spécialiste du dix milles mètres) et coach Arnaud (spécialiste des cinq kilomètres) ; un mois de juillet où nous vîmes avec plaisir la pièce de la Compagnie ThéâtreNuit, "Courir", qui narre la vie d'un vrai champion de l’endurance, Emil Zátopek.