samedi 31 janvier 2015

Le chant de la sirène

« […] quand j'écris une nouvelle chanson, je l'enregistre immédiatement pour garder une trace du premier jet. Je trouve qu'après, quand tu retravailles sur un titre, tu risques de te concentrer sur les détails de finition et de perdre l'énergie et l'intensité initiales. »

PJ Harvey, Le chant de la sirène   2006.
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Un hiver, il y a une douzaine ou une quinzaine d'années. Une route, au cœur du Sundgau. Soudain, à la radio, une voix inconnue, qui se fraye un passage entre basse et guitare sourdes. Le son est pur, violent, il n'y a presque pas de musique, rien que la saturation des amplis, dans ce concert diffusé alors que minuit nous mène vers le lendemain. Pas une pause, pas de lumière, les couplets semblent de sombres histoires sans place pour que vive un sentiment. C'est un concert de PJ Harvey, qui est diffusé sur les ondes ; nous l'apprendrons, quelques jours plus tard.
L'univers de PJ Harvey est ce que l'on attend d'un concert rock. La sensation que, depuis le studio d'enregistrement, l'on a jeté l'arrangeur par la fenêtre. Des mots froissés par une voix en souffrance. Une musique… en panne de sèche-cheveux ! Le premier album est ainsi. "Dry", sorti en 1992, réalisé pour 5000 livres. Un set brut. Les disques qui suivent ne sont pas "mieux" conçus, aucun n'est tiré à quatre épingles, comme des produits d'où s'échapperaient une paire de thèmes mieux peignés : « Souvent, les albums contiennent deux ou trois titres à tomber par terre et le reste est juste sympa à écouter ». Non, là, chaque disque est comme un long cri puissant et qui essouffle. Et ébouriffe.
Lors des entretiens avec la mystérieuse Polly Jean, l'influence de Dylan revient sans cesse : écriture, musiques, présence sur scène, relation avec les journalistes. Pourtant, d'aucuns ne pourrait voir l'ombre du song writer dans les compositions de PJ Harvey. Mais, comme lui, elle est formelle, elle « ne peut faire autrement que revenir au blues ».
Née, comme toutes les véritables rockeuses, un 9 octobre, l'artiste compose sa vie entre sa campagne du Dorset anglais, ses guitares et « les nombreuses tasses de tisanes à la camomille qu'elle s'impose de boire chaque soir ». Une "jolie-vilaine" — comme le nom d'un très bon groupe de musique bretonne nous inciterait à l'accabler —, avec un caractère entier, une chanteuse au parcours accidentel. Rien ne devait la mener à une telle notoriété. Si ce n'étaient, justement, ces rythmes menés à l'aveugle, et ces chansons qui semblent, parfois, aller se fracasser les sens aux six cordes d'une guitare.
Un livre lu, en suivant la cadence merveilleusement sauvage d'une chanson unique, et avec le désir charnel de grimper au-dessus des montagnes et de parcourir les mers, inlassablement, "To Bring You My Love"…