lundi 28 octobre 2013

Sur le langage

« J'ai des convictions profondes sur le langage. Sans langage, c'est la barbarie, l'appauvrissement. […] Le langage m'a rendu heureux et continue de le faire. Il m'apporte du plaisir dans les conversations, dans la littérature, dans la chanson, dans l'esprit. Ce que je rends au langage, c'est vraiment ce qu'il m'a donné. »
Thomas Fersen, in Causette #30  2012.
________________
Thomas Fersen a-t-il le Gaffiot rangé sur l'une de ses étagères ? Pas sûr. Il n'intellectualise pas son écriture. Il ne cherche pas à ce qu'elle brille ou à ce qu'elle claque, simplement à ce qu'elle raconte. Pour ce faire, il puise son inspiration dans la vie banale qui se déroule — ou pourrait se dérouler — en bas de chez lui, dans la geste du quotidien, dans les fables qu'il devine en regardant les gens de son quartier autour de lui, dans les improbables rencontres qu'il invente à ses héros — toujours des femmes et des hommes que nous croisons, comme lui, que nous connaissons, qui nous ressemblent.
D'un roman de Thomas Mann aux refrains grivois de sa jeunesse, des mots de son enfance aux paroles de ses propres textes qui lui permettent de « tolérer » ses compositions musicales, qu'il juge modestement moins abouties, l'artiste punk et poète, qui emprunta, jadis, sans dérision aucune, le prénom d'un joueur de foot mexicain et le nom de l'amant officieux de Marie-Antoinette pour composer un pseudonyme qui lui sied comme un gant (de deuxième main), aime à rappeler son attachement au verbe, aux mots, au dire.

À ce jeu, Thomas Fersen n'a pas d'égal. Ce n'est pas qu'il est le meilleur, c'est qu'il est le seul. Ses couplets, courts, naïfs, qui semblent, tour à tour, des dessins de Dubout, des livres pour enfants, les récits de ses rêves les plus drôles, sont des tableaux à plusieurs couches systémiques. Qu'il y convie toute l'Arche de Noé, toute la troupe d'un cirque d'antan, des personnages hérités des films de Jacques Tati, des riffs de guitares ou rien que trois accords de ukulélé, ses artifices et artificiers s'entraînent, les uns avec les autres, en une suite burlesque et parnassienne, où les rimes ricochent en s'amusant.

Un article lu en écoutant "Je n'ai pas la gale", un titre conseillé par Maud, rara avis in terris.