dimanche 24 août 2014

Mon autobiographie

« Le problème était que, ayant été avant-centre moi-même, j'étais toujours plus dur avec les attaquants qu'avec les autres joueurs. Ils n'étaient jamais aussi bons que moi, évidemment. Je suis désolé mais aucun n'a été aussi bon que moi quand je jouais. Les managers peuvent se permettre de telles vanités et, souvent, ils les infligent aux joueurs. De la même façon, les joueurs pensent être meilleurs managers que la personne en face — jusqu'au jour où ils essayent d'occuper le poste. »

Alex Ferguson
, Mon autobiographie   2013.
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Il y a son éternel combat avec l'Alsacien et coach d'Arsenal, Arsène Wenger, le « rival », le « bon client ». Rien que pour ce chapitre, ce livre est riche d'anecdotes uniques. Il y a ses bras-de-fer avec d'autres managers (Mourinho, pour n'en citer qu'un), et souvent dans son propre bureau, ici-même où les tensions se règlent à grands verres de bières et de vins ; comment cela irait-il plus simplement, dans un pays où « le public du football se compose principalement des gens de la classe ouvrière ».  Il y a ses colères, quand les Red Devils ne sont que le dauphin du champion. Cette autobiographie résume toute la hargne d'un être qui jalouse son voisin, quand ce dernier a un moteur plus puissant dans son bolide. Tout l'orgueil d'un homme qui n'abdique jamais, qui veut le monde du football à ses pieds — ou à ses crampons.
Natif de Glasgow (jeune, il joue, notamment, avec les Rangers), ayant effectué ses premiers faits d'armes comme dirigeant avec d'autres reds, ceux d'Aberdeen, Alex Ferguson est un personnage entier. Attachant et terriblement admirable, autant que nous lisons ce qu'il rapporte. Probablement terrifiant et quelque peu imbuvable, à le côtoyer au quotidien. Dans ses mémoires, qui n'offrent guère de douceur dans un monde de brutes shootant dans du cuir, il explique les coups de poker-menteur, pour attirer et acheter des joueurs, les rafler à la concurrence, grâce à quelques dizaines de milliers de livres sterling. Les meilleurs éléments à qui il réussit à confier les clefs d'Old Trafford sont ceux qui suscitent la convoitise des autres équipes ; et comment mieux juger de cela, si ce n'est par l'égard porté par les supporters d'en face : « L'une des caractéristiques qui signalent un grand joueur, c'est quand les fans adverses lui dédient des chants hostiles » !
Il admire les footballeurs les plus doués. Les désire, naturellement, pour son onze idéal. Les sublime. Et s'en détache, après quelques années, non sans regrets, mais avec certaines amertumes. Selon lui, la trahison n'est jamais loin. Peut-être n'a-t-il pas tort. Peut-être pense-t-il, plus ou moins secrètement, que les hommes lui appartiennent, dès lors qu'ils revêtent un maillot aux couleurs de l'équipe qu'il dirige — en l'occurrence Manchester United, durant ses vingt-sept années au plus haut niveau. Les mots qui reviennent le plus, dans ses témoignages, sont pour dire son refus de reconnaître ses faiblesses, de baisser la garde, d'accepter qu'il perd ou qu'il est en difficulté. Un peu comme sur le terrain où, se plaît-il à rappeler, l'adversaire sait toujours que les Mancuniens peuvent revenir au score dans les ultimes minutes de la partie. Comme si la vie — sa vie — n'était qu'une succession de temps additionnels.
À la lecture du palmarès de Sir Alex Ferguson, seul manque un parcours à la tête de l'équipe nationale d'Angleterre. Un poste qu'on lui proposa, par deux fois. Mais il ne pouvait, en aucun cas, devenir le sélectionneur des Three Lions : « Vous m'imaginez faire ça ? Moi, un Écossais ? J'ai toujours plaisanté sur la question et dit que si j'avais accepté, cela aurait été pour les faire descendre dans la hiérarchie. J'aurais voulu faire tomber l'Angleterre au 150e rang du classement mondial, avec l'Écosse au 149e. »

Un livre lu durant la trêve estivale, les pieds dans l'eau d'un lac de Vaucluse ; une lecture partagée, forcément, avec le Gunner Matteo, grand spécialiste de la Premier League.