dimanche 29 novembre 2015

Le grand Cœur

« Il est un âge où l'on peut forcer sa nature avec sincérité et se convaincre, jour après jour, que l'on suit un chemin nécessaire alors qu'il vous éloigne de votre volonté profonde et que l'on s'égare. L'essentiel est de garder assez d'énergie pour changer lorsque l'écart devient souffrance et que l'on comprend son erreur. »

Jean-Christophe Rufin
, Le grand Cœur    2012.
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Un roman d'après la vie de personnages réels, qui vécurent au Moyen Âge et eurent leur influence sur des évènements majeurs, essentiels, de l'Histoire de France. Un roman construit en imaginant, en contournant les faits. Une hérésie, bien évidemment ! L'historien, quel qu'il soit, ne le peut tolérer. 
Mais là, Jean-Christophe Rufin a effectué une telle et minutieuse recherche, que ses libertés apparaissent comme de véritables hypothèses historiques. D'autant qu'il est, comme Jacques Cœur qu'il prend comme narrateur , natif de la ville de Bourges, attiré par l'Orient, complice de stratégies politiciennes, et, certes dans une mesure plus subjective, humaniste.
Sans s'amuser à écrire comme au XVe siècle, ou avec un cliché de jargon médiéval, Jean-Christophe Rufin rédige son texte avec un vocabulaire et un style qui accompagnent le lecteur au plus fidèle et au plus près d'un genre littéraire possible ou recomposé. À l'instar de cet envoi final façon ars moriendi, qui achève l'ouvrage : « Je peux mourir, car j'ai bien vécu. Et j'ai connu la liberté. » Et l'on ne se rend compte de rien, le récit passe pour être la véritable autobiographie de Jacques Cœur ; son manuscrit, conservé dans quelque fonds d'archives, que Rufin aurait consulté pour organiser les chapitres de son livre. Un peu comme Jean-Pierre Chabrol nous avait fait croire aux feuillets retrouvés entre les pierres de la clède du Gravas, documents qui étaient censés constituer la trame de son œuvre principale, "Les fous de Dieu".

Jacques Cœur
ou le Jacques Cœur de Rufin est un homme emblématique de cette période de l'automne du Moyen Âge. Visionnaire, ambitieux, audacieux, il ne se fie ni au roi, ni à Dieu. Il est à la fois homme de pouvoir et homme du peuple, préférant la discrétion et la prudence aux coups d'éclats. Depuis son premier fait d'armes, alors qu'il n'est encore qu'un enfant, jusqu'à sa fuite sur l'île de Chios, sa vie ressemble à un long présage. Il s'attache toutes les confiances, devient le conseiller et confident du roi et, plus encore, l'intime de sa maîtresse , voyage en Méditerranée, foule la Regordane pour traverser les Cévennes, initie des affaires à partir de réseaux à l'échelle du monde connu. Cinq chapitres, durant lesquels le personnage de Rufin pense à haute voix. Doute du monde et de lui-même. S'interroge sur l'heure de sa fin.
Un livre prêté par Marie-Claude, que nous allâmes visiter en empruntant en partie ledit Chemin de Regordane ; elle imaginait bien que cet écrit pouvait autant nous distraire que nous instruire.