lundi 31 août 2015

Glaneurs de rêves

« Le destin a voulu que je suive un chemin fort éloigné de celui de mes ancêtres, et pourtant leurs façons étaient aussi les miennes. Et dans mes voyages, lorsque je vois une colline constellée de moutons ou une équipe d'ouvriers agricoles qui se reposent à l'ombre des noisetiers, je suis prise d'un désir nostalgique de redevenir celle que je n'ai pas été. »

Patti Smith
, Glaneurs de rêves   1992.
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Patti Smith (°1946 Chicago) a toujours su qu'elle écrirait « un livre, ne serait-ce qu'un petit livre, qui emmènerait le lecteur dans un royaume qui ne pouvait être mesuré ni même évoqué par le souvenir ». N'en déplaise, peut-être, audit lecteur, ces souvenirs ne sont pas ceux d'une chanteuse de rock. La seule musique racontée dans ces pages est celle de « la grange blanchie à la chaux qui portait les mots SALLE DE BAL », où tout le monde se retrouvait « pour danser au son et à l'appel du violon ». Pas de guitare, pas de refrain musclé, pas de torture verbale, ni de violence rythmique, qu'une musique, « curieuse, optimiste, aussi simple et furtive que l'appel du quadrille qui pénètre la nuit d'été ».
L'auteure de "Because the Night" (co-écrit avec Bruce Springsteen, et enregistré en 1977 pour l'album "Easter") préfère ici la « musique des glaneurs qui accomplissent leur tâche ». Dans ce petit et poétique recueil, elle reprend leur chemin, telle Alice à la poursuite d'un lapin qui court après le temps. Et tout est dans le parfum des choses : les herbes hautes, l'orage, le ruisseau près de la maison, la poussière de Calcutta ; dans le toucher des trésors et des biens : un rubis indien, une tasse pour le thé, le tissu écossais des chemises, le tableau d'un portrait du XVe siècle flamand.
Écrit l'année de ses quarante-cinq ans,
le récit de Patti Smith nous invite dans l'intimité de ses rêves d'enfant. Elle parle de sa mère, de son arrière-grand-mère, de ses frère et sœurs, de ce « vieil homme qui vendait des vairons », de son chien Bambi. Ses chapitres sont comme de vieilles chansons nouvelles, avec des couplets qui disent qui elle était, qui elle est, encore, dans son âme de tous les temps. Une artiste, qui a choisi son métier en pensant suivre son destin ; qui a gardé, cependant et heureusement, de l'héritage de ses aïeux, les sensations et les certitudes d'être à la fois leur devenir et leur passé.
Un livre offert par la femme aux cheveux sauvages (« wild wild hair »).