samedi 31 décembre 2011

Ma vïelle ay mis soubz le banc

« Je regnie amours et despite
Et deffie à feu et à sang.
Mort par elles me précipite,
Et ne leur en chault pas d’ung blanc.
Ma vïelle ay mis soubz le banc ;
Amans je ne suyvray jamais :
Se jadis je fus de leur ranc,
Je desclare que n’en suis mais. »


Françoys Villon
, Le testament    1461.
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Ne plaignons pas nos hivers, car nous ne pouvons imaginer quels estoient ceux de Françoys Villon, à une espoque où il faisoit tant froid dedans Paris que les loups, assurés d'y trouver esquelettes et cadavres, entraient dans la ville.
Villon, né Françoys de Montcorbier, vint au monde l’année où fut l’innocente Jehanne d’Arc bruslée. Oncques ne mena honneste vie : clerc tonsuré, goliard, basochien, ripailleur et bon folastre, nous savons iceluy voleur et assassin, promis à estre pendu et estranglé. Poeste maudit bien avant d’aultres, il inspirera Marot, Rimbaud, Verlaine, Brassens ou Dylan.
« Au poinct du jour, que l’esprevier s’esbat, meu de plaisir et par noble coustume », commence l’une ballade ; « Pour ce, amez tant que voudrez, Suyvez assemblées et festes, En la fin jà mieulx n’en vauldrez, Et si n’y romprez que vos testes », énonce comme en farandole une aultre.
Des textes relus, alors que l’hiver nous arrive enfin, et que l’on se demande, avec le poeste, « mais où sont les neiges d’antan ? »

dimanche 30 octobre 2011

Lettres de Marie Durand

« Quelle affligeante situation d’être forcée demander à ceux qui ne nous doivent rien. »

Marie Durand
, À la Tour de Constance 15 avril 1762.
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Dans cette lettre, adressée au pasteur Paul Rabaut, et simplement signée « La Durand », la plus célèbre des prisonnières huguenotes décrit une nouvelle fois sa situation dramatique et celle de ses coreligionnaires séquestrées dans la même et particulière cellule.
Celle qui grava ce Résister sur les murs du plus haut étage de la Tour de Constance se désole que ces femmes soient à jamais endettées, redevables envers autrui pour les secours adressés par quelque élan de solidarité afin de les aider à soigner les multiples maladies endurées au long de leur interminable captivité. Elles n’ont que leurs mains pour coudre des bas ou rapiécer jupes et robes, parfois même vendent-elles leurs hardes, faibles ressources qui leur permet de gagner quelques sols. Avec ce peu d’argent et les dons de bienfaiteurs, elles acquièrent du bois pour se chauffer l’hiver, des lentilles et du riz à cuisiner.
Comme seules distractions, la lecture et... le chant, comme nous pouvons le noter grâce à cette demande touchante qu’effectue Marie Durand à sa nièce, quand elle souhaite recevoir un psautier avec ses partitions – ce qui semble indiquer qu’elle possède l’aptitude à lire la musique. Au même titre que leurs camarades galériens, ces femmes sont des « prisonnières politiques, des otages », à une époque où la liberté de conscience n’existe pas. Née en 1711, au Bouchet de Pranles, Marie Durand restera enfermée de 1730 à 1768. Après sa libération, elle vivra huit années dans sa vieille maison, à la pointe nord de la Cévenne vivaroise.
Des lettres lues dans le livre publié par l’un des descendants de la branche maternelle à Marie Durand, Étienne Gamonnet.

lundi 19 septembre 2011

Voyage dans le temps

« Tempus non fit, nascitur. »

Poul Anderson
, La Patrouille du temps 1954.
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« Le temps ne se commande pas, il coule de source ».
Les romanciers nous le disent : on peut remonter le temps. Les scientifiques sont persuadés du contraire, nombre de leurs théorèmes l'attestent. Les historiens ignorent la question, scindant notre vie en deux grandes périodes distinctes et qui ne peuvent communiquer entre elles : le passé et le présent.
Le vieux principe selon lequel on ne peut modifier l'histoire (tuer son ancêtre étant le plus évident exemple des paradoxes) tendrait à être remis en question. C'est un vaste débat, qui peut, parfaitement, se résumer à la question d'Isa, de Paris, via le journal Télérama, en décembre 1994 : « Si je mets mon café déshydraté dans un four à micro-ondes, vais-je remonter dans le temps ? ».
Finalement, voyager dans le temps est à la portée de toutes et de tous, et quiconque se prête au jeu peut transformer à loisir le passé et, du même coup, le présent. Pour cela, il suffit, en effet — quitte à passer pour imposteur ou révisionniste —, de redéfinir les compas de ses propres émotions et ainsi considérer un fait du passé comme anodin ou, a contrario, tragique, pour que son incidence au présent soit à l'inverse de la réalité. Ou, plus exactement, une vérité nouvelle, qui coule de source. Lors, évidemment, on ne va pas gommer le Sacre de Charlemagne, la Prise de la Bastille ou l'Abolition de la peine de mort, mais à l'échelle personnelle, les ravages ainsi provoqués peuvent créer des séismes sentimentaux insoupçonnables.
Une histoire de voyage dans le temps, lue dans une vieille ferme landaise sans âge.

mardi 30 août 2011

Ars moriendi

« Pour bien mourir, il faut bien vivre, car on n'a jamais veu d'acord mauviaize vye ny bonne mort »

Jean Chabert
, notaire à Montselgues 1638.
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Dans son registre, ce livre des contrats annuels et perpétuels qu'il consigne depuis son hameau de Montselgues (Ponteils-et-Brésis) et au gré de ses déplacements dans la haute vallée de la Cèze, le notaire Jean Chabert utilise une belle formule qui lui sert d’épigraphe.
Même si sa plume, toute encore trempée d’un XVIe siècle tardif, semble personnaliser sa pensée, l’exergue trouve son inspiration dans les ars moriendi plus anciens. L’art de bien mourir — de bien se préparer à sa mort — devint, avec le temps, un art de bien vivre. C’est ainsi, que Jean Chabert évoque le passage entre la (sa ?) vie et la mort. Se préparer à la mort, plus qu’un conseil chrétien, c’est sans doute une philosophie qui pourrait encore sagement se transmettre de nos jours.
Mais, on l’aura compris, il ne s’agit pas seulement de bien vivre, il faut aussi savoir bien mourir. Certaines personnes ne veulent pas grandir, pensant secrètement ne jamais mourir [...] : la toute puissance, l'orgueil, le refus d'être juste un être humain, le refus de ne pas être une exception. Le pathos de nos amis, de nos amours, font d’eux des Narcisse qui s’ignorent. Mais « pour bien mourir, il faut bien vivre » (et inversement), rappelle Chabert le Cévenol ; admettre cette réalité qui nous installe non pas au cœur de l’univers mais dans l’univers, parmi les autres, ni plus ni moins dissemblables. De simples mortels, en somme.
Un registre consulté aux Archives départementales du Gard, en 1994 ; une citation partagée avec les sentiments de Karin sur la question.

mardi 5 juillet 2011

On m'appelait l'ange vert…

« Alors, à ce moment-là, je ne sais pas ce qui se passe. Je me mets à hurler. Je cours comme un fou, les bras levés, la bouche ensanglantée. Le sang me dessine une fine moustache rouge. Je dois avoir l’air d’un vrai sauvage ! En tous cas, j’ai oublié ma douleur. Je cours comme si je n’avais jamais eu mal à la jambe de ma vie. »

Dominique Rocheteau
, On m'appelait l'ange vert… 2005.

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En récupérant ce ballon hérité d'un dribble incroyable de Patrick Revelli, Dominique Rocheteau tente un geste inné et catapulte le cuir sous la barre.
Trois à zéro, le buteur sait qu’il reste huit minutes à tenir dans cette interminable prolongation. La France entière se crispe face à son poste de télévision, mais la défense dirigée par Ćurković tient. Et l’arbitre siffle. Les Verts viennent d’éliminer la grande équipe du Dynamo de Kiev menée par Oleg Blokhine. Rocheteau, blessé, ne devait initialement pas jouer, mais en le titularisant d’entrée, « Robby avait raison. Une fois de plus... ».
La suite, tout le monde s’en souvient ou la connaît – elle est dans les livres d’histoire – : au tour suivant, St-Étienne se défait du PSV Eindhoven, et se hisse en finale de la pharamineuse Coupe d’Europe des Clubs Champions. Et pour Dominique Rocheteau, le match à Glasgow sera à nouveau calqué sur huit minutes. Huit minutes de bonheur, comme les plus merveilleuses et les plus douloureuses de sa carrière. Sans son numéro sept sur le dos, il entre comme remplaçant alors que ne subsistent que huit minutes pour espérer égaliser contre ces joueurs extraordinaires que sont Gerd Müller, Franz Beckenbauer, Sepp Maier, ce Bayern Munich qui ne cède son autorité depuis ce but sur coup-franc de Roth. Malgré les assauts et les dribbles de l’ailier droit stéphanois et ceux de ses coéquipiers, le score demeurera tristement figé. « Mais pourquoi ce lad n’a-t-il pas joué plus longtemps ? », maugrée encore Rod Stewart…
Un livre lu, le maillot Manufrance sur les épaules.

mardi 7 juin 2011

Punkitudes

« Oui, bien sûr l’écriture est limitée par les mots, tandis qu’avec une guitare tu peux toujours pousser un aigu ou monter le son ou casser ton instrument. Quand tu casses ta guitare, c’est encore de la musique alors que si tu casses ta machine à écrire ce n’est plus de l’écriture. »

Captain Coke, in Punkitudes, Jean Dominique Brierre et Ludwik Lewin — 1978.

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Et puis, d’abord, la musique punk a-t-elle jamais existé ?
Un bon musicien punk accorde très sommairement son instrument, ne répète qu’une paire d’heures, au maximum, avant le concert. En outre, il méprise le public venu l’écouter. Une collection de clichés permettent de définir ce mouvement éphémère, ce style musical impossible à identifier. Des noms reviennent : Patti Smith, Joe Strummer, Sid Vicious, Sex Pistols, Clash ; mais quel est l’intrus ?
Dans un univers d’oxymorons, où le moindre évènement est d’une « vivacité morbide », les idées nihilistes dominent quel que soit le propos. Sid Vicious a-t-il inventé le pogo, les Sex Pistols sont-ils les premiers à avoir prévenu qu’il n’y aurait pas d’avenir ? On ne s’en souvient pas. Ce dont nous sommes persuadés, c’est que les Ramones ou Ari Up ont leurs entrées dans les dictionnaires, sont rangés au patrimoine de l’humanité en appartenant, désormais, au passé. No future, no past.
Un livre lu en écoutant les Suites pour violoncelle de Bach ; le punk n’est pas mort !

mardi 17 mai 2011

Toinou

« Le regard d’autrui, dirigé sur moi, me brûlait d’un feu insupportable. Il dénonçait ma laideur et prononçait ma condamnation. Mon aspect me dégoûtait et je fuyais toute surface susceptible de me renvoyer mon image : miroir, rivière, étang. J’étais sale, sans restriction. Jamais le poil d’une brosse n’effleurait mes dents. Jamais un bain total ne décrassait mon corps. J’étais né il y avait un peu plus de huit ans et je me sentais déjà pitoyable comme un vieillard. »

« L’estomac plein jusqu’à la lurette, je repris le chemin de l’église pour les vêpres avec la pieuse détermination de donner toute ma voix au chant des psaumes. Comme trop souvent, hélas, chez moi, cela resta simple velléité. Il ne sortit de ma gorge, malgré de louables efforts, que des sons dépourvus de résonance, tels ceux, pensai-je, que l’on pourrait tirer d’un violon rempli de purée de pommes de terre. »

« Le tribunal ecclésiastique ne condamnait pas. Il ne faisait que soumettre l’hérétique présumé à une sorte d’examen qui vérifiait sa connaissance du catéchisme. Après l’interrogatoire, la note donnée était considérée par le bras séculier qui décidait du traitement à appliquer pour aboutir à la conversion définitive du sujet. S’il y avait risque sérieux de voir ce dernier retomber dans l’erreur, on le brûlait pour lui éviter l’enfer, après avoir pris les mesures adéquates pour l’expédier dans l’au-delà en état de grâce. »
Antoine Sylvère, Toinou, le cri d'un enfant auvergnat  1980.
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Écrit entre 1936 et 1938, "Toinou, le cri d’un enfant auvergnat" est le poignant témoignage du quotidien des petites gens à Ambert, à la fin du XIXe siècle. La magnifique écriture d’Antoine Sylvère, qui conte les premières années de sa vie avec une truculence et un recul comme amusé sur les épisodes et les incidents, n'ennuie jamais. Né au sein d’une famille très pauvre, dans un environnement où la « culture générale de la population ouvrière et rurale semblait s’être maintenue au niveau atteint sous Dagobert 1er », voué à l’illettrisme, l’auteur accompagne son récit de « [...] ce rude patois au vocabulaire si court, avec ses consonnes en « tch » qui figuraient dans la majorité des mots, ses voyelles qu’on retrouverait dans maintes langues européennes et qu’on déclaraient intolérables dans une bouche française. » Pour le petit Antoine dit Toinou — prénommé et surnommé comme son grand-père —, l’apprentissage du français s’effectuera par la lecture des livres d’école, par le catéchisme et les Écritures. Avec ses esclops pour seule richesse, quelques heures d’attention au matin du 25 décembre comme unique déclaration d’amour parental, l’enfant se forgera une personnalité auprès de compagnons de son âge et en fréquentant ses aînés, gagnant, grâce aux accrocs et rares joies de ses longues journées, une expérience pour avancer, souvent naïvement, dans une vie sans avenir.
Un livre prêté par Syl, (pour cela, aussi) à jamais assez remerciée...

mercredi 6 avril 2011

Pick over Beethoven

« Bill n'admet pas qu'il existe une autre musique que le bluegrass. Une fois, alors que j'emmenais Bill dans un club à San Francisco, il m'a demandé des nouvelles de Richard Greene. Je lui ai répondu qu'il allait bien et il m'a demandé : "A-t-il toujours les cheveux longs ? Ce garçon avait de très beaux cheveux quand il jouait avec nous, mais ils ont trop poussé". Je lui ai fait remarquer que Beethoven aussi avait les cheveux longs. Il m'a dit : "Beethoven, qu'est-ce qu'il a fait ?" Je lui ai dit : "Oh rien, il a juste écrit quelques mélodies, des symphonies…" »

David Grisman,
Le Cri du Coyote, 1987/4 — Toulouse 1984.
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La mandoline est cet objet aux huit cordes que l'on retrouve dans la douce poussière de tous les greniers familiaux. Instrument sympathique à la caisse heureuse comme une aronde, féminin, il renvoie à des siècles de musiques oubliées ou à quelque image d'Épinaples. Transformée par des musiciens en recherche de nouvelles sonorités et d'efficacité, qui l'aplatirent à coups de rhythm chops en même temps qu'ils inventèrent le bluegrass, la mandoline — version F5, notamment — devint l'alliée du banjo dans les mains d'un virtuose comme Bill Monroe. David Grisman, et à sa suite la vague newgrass des Sam Bush, Mike Marshall, Darol Anger, Andy Statman et autres maîtres du médiator, offrirent à l'instrument un rôle essentiel au sein des musiques héritières des premières formations appalachiennes.
David Grisman (sous la formule la plus intéressante, son Quintet circa 1980), improvisateur et créateur en marge d'un circuit traditionnel, initiateur d'un style qui porte son nom, Dawg music, est certainement le maillon entre les uns et les autres. Présent sur toutes les scènes, aux côtés de Jerry Garcia ou de Stéphane Grapelli, ou comme professeur particulier de Bob Dylan, il influence les deux ou trois générations de musiciens bluegrass, newgrass ou de jazz trad, voire des artistes comme le chanteur français Stéphane San Severino. Il garde, durant son immense carrière, un profond respect pour l'homme au chapeau blanc, le pape de la mando, the father of bluegrass, Bill Monroe,
pour lequel nous célébrons, cette année, le centenaire de la naissance. Ce dernier est le seul artiste — excusez du peu — à figurer à la fois au Country Music Hall of Fame, à l'International Bluegrass Music Hall of Fame et au Rock'n'roll Hall of Fame.
Un Cri du Coyote retrouvé entre deux Back Up et les premiers Modal, au fond d'un vieux coffre en bois de pauvre valeur, ne fermant plus à clef.

mercredi 23 mars 2011

Où finira notre blason ?

« Les gens s'étonnent de me voir tous les soirs dans ce bas quartier
Mais je suis amoureux d'une fille qui y vit
Pour moi, ce bas quartier est un palais royal
Bien sûr, son père est menuisier et sa mère empailleuse de chaises
Mais leur fille est une pure merveille, née ici par hasard
Mon père, qui est noble, me demande "Où finira notre blason ?"
Mais je pense que, pour ses beaux yeux, même un roi descendrait de son cheval.
»

Chanson traditionnelle napolitaine.
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Le Napolitain n'est pas le seul à chanter pareilles ritournelles, mais on le pourrait soupçonner tant les paroles que l'on retrouve dans les textes anciens — ou, encore aujourd'hui, improvisées lors de joutes verbales dans les fêtes du paesi vesuviani — n'accusent de dimensions égales dans les métaphores de la poésie populaire des traditions voisines.
Que ce soit au sein d'une tammuriata ou au long d'une serenata, les chanteurs s'amusent avec la musique pour échanger, annoncer ou provoquer. Mots d'amour, appel politique, vendetta, fantaisies, tout est prétexte à faire une chanson.
Et, qu'il ait ses habitudes dans un quartier éloigné de chez lui ou qu'il y aménage nouvellement, le poète prend son luth et vous donne un baiser…

lundi 28 février 2011

Les fous de Dieu

« Lors, je vis ses yeux, pour la première fois. Qu'ils sont bleus, qu'ils sont grands, je ne le sus qu'à cette minute. L'usage n'est point de regarder les yeux des gens ; il faut des querelleurs, à l'heure du défi, pour cela. Les yeux d'autrui sont un passage où l'on ne s'attarde guère. Mais voilà, je m'arrêtai dans les yeux de Finette, je m'y cramponnai, comme un qui se tient à l'huis, bras en croix, pour n'être point tiré céans. Une peur bien étrange me donna les yeux de Finette.
Ils sont d'un bleu gris fort commun en pays
Raïou, mais ils me parurent immenses, hors de rapport avec la pécole, si menue, qu'un jour que nous avions guéé, comme nous nous séchions dans l'herbe, la raïoulette se fit un jeu de mettre ses deux pieds dans un de mes sabots.
Un charme reliait nos yeux, au point que je penchai la tête sur mon épaule, une fois, pour voir, et je la vis, comme dans un miroir, pencher pareillement la sienne, un charme qui pouvait tout effacer, de la création, qui n'était point les yeux de Finette : plus d'hirondelles, plus de ruines, plus de grand soleil d'août, plus même de ciel ! j'étais au mitan de ses yeux, avec du bleu tout autour, à perte de vue…
»

Jean-Pierre Chabrol, Les fous de Dieu — 1961.
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Né à Chamborigaud, à Pont de Rastel, dans la maison appartenant aux siens depuis 1610, Jean-Pierre Chabrol (1925-2001) n'a pas que rédigé sur sa Cévenne, mais c'est l'œuvre qui s'inspire de ses montagnes qui demeure la plus poignante à son répertoire, et les "Fous de Dieu", ce récit à la fois bouleversant et terriblement réaliste, est, depuis cinquante ans, le "manifeste" contemporain qui témoigne de cette période si trouble de l'Histoire « où les hommes de la terre n'avaient rien, pas même de nom, n'étaient rien et naissaient et mourraient sans laisser plus de traces qu'un lièvre sur un pré ». Un livre écrit sous la dictée transmise par les songes des gens de sa mèna
Un livre lu et relu… à relire encore.

lundi 21 février 2011

Chroniques

« Soit je faisais fuir les gens, soit ils venaient voir de plus près. Il n'y avait pas d'entre-deux. »
« J'ai feuilleté un grand nombre de ses manuscrits antédiluviens. Le monde moderne, avec sa complexité folle, m'intéressait peu. Il manquait de pertinence et de poids. Rien de séduisant. »
« J'aurais voulu lire tous ces livres, mais pour ce faire, il aurait fallu qu'on m'envoie dans une maison de repos ou quelque chose comme ça. »
« Dans une des pièces du haut, j'ai étudié les microfilms des journaux de 1855 à 1865 pour me faire une idée de la vie quotidienne à cette époque. j'étais moins intéressé par les sujets abordés que par la langue et la rhétorique. »
« Si tu n'as pas tout ce que tu veux, réjouis-toi de ne pas avoir ce que tu ne veux pas. »
« Woody Guthrie, jeune, n'est pas sans ressembler à mon père au même âge. »

Bob Dylan, Chroniques — 2004.

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De The Beatles à Jimi Hendrix, de Patti Smith à Mark Knopfler, Bob Dylan a influencé des musiciens aussi variés que nombreux.
Héritier des derniers chanteurs de talking blues traditionnels, rock star faussement rebelle, l'homme est difficile à deviner. Avec ses Chroniques, le song writer accorde quelque haltes sur des phases très précises et courtes de sa carrière, narre sa passion pour l'écriture et la musique, exprime ses doutes et ses ennuis.
L'auteur de "It ain't me, babe" et "Sara" tombe enfin les lunettes noires ; mais le regard demeure sombre et impénétrable.
Premier volume de cette autobiographie offert par Cyrille. MerCy !

mercredi 16 février 2011

Montedidio

« Quand tu es pris de nostalgie, ce n'est pas un manque, c'est une présence, c'est une visite, des personnes, des pays qui arrivent de loin et te tiennent un peu compagnie. »

Erri De Luca, Montedidio — 2001.

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Erri De Luca (°1950) est napolitain.
Dans "Montedidio", il raconte le quartier de son enfance, à travers une histoire du quotidien d'un enfant de treize ans. Autour de personnages à la simplicité attachante — ses parents, son amoureuse, mast'Errico le menuisier, don Raffaniello le cordonnier —, il rythme un récit où s'immisce sa langue maternelle, le napolitain, pour conter, avec beaucoup de pudeur, la vie, la pauvreté, l'ammour, la mort. Et cette fable, sur les hauteurs de Montedidio des années 1950, révèle des rites initiatiques matérialisés par le boumeran.
Un livre prêté par Séverine… merci, Sév' !