mercredi 17 octobre 2012

Le vielleur

« Un monde dur et brutal, cynique et cruel, peu sympathique, qui attire et fascine à la fois, et qui inquiète. »
Pierre Rosenberg, Georges De La Tour   1992.
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Il y a toute l’austérité de « l’automne du Moyen Âge », dans cette toile de jeunesse attribuée à ce peintre resté si longtemps méconnu. Et cette attirance, qui encourage à s’éloigner si l’on s’approche un peu trop du tableau, fonctionne étrangement. Sauf, peut-être, pour un joueur de vielle d’aujourd’hui, curieux et intéressé...
L'un des premiers joueurs de vielle « connus », vraisemblablement peint dans le premier quart du XVIIe siècle, par Georges De La Tour (1593-1652), est là, enfin. Depuis près de vingt-cinq ans, nous attendions l'instant de l'approcher, de le  « regarder », lui, l'aveugle, "Le vielleur", dit le vielleur au chapeau ou le vielleur à la mouche. Si réaliste. Si réel.
Bien entendu, l'exposition "Corps et ombres — Caravage et le caravagisme européen", que propose le Musée Fabre de Montpellier, est une merveille. Mais la salle consacrée au peintre Lorrain, où est accroché ce tableau, parmi autres diurnes et de célèbres nocturnes, retiendra toute notre émotion. Trois chanterelles, deux bourdons, une corde trompette. Et leurs cotons, enroulés, travaillés par la roue. Le cache-roue — posé sur d'autres toiles de la même série — qui tombe, comme nous l'oublions, nous-mêmes aussi, souvent. Et, sur ces bourdons qui sonnent, en contre-point de quelque accompagnement qui nous demeurera à jamais imaginé, le chant du musicien, comme une plainte sourde, qui décrit, forcément, un monde dur et brutal, cynique et cruel, qui attire et fascine à la fois ; qui inquiète presque…

Un livre relu, après la visite de cette exposition avec Lena.

lundi 1 octobre 2012

Quelle langue parlaient nos ancêtres préhistoriques ?

« Voilà pourquoi, quand vous entreprenez une recherche nouvelle, il vaut mieux laisser fonctionner votre intuition et ne pas commencer par vous faire une grosse bibliothèque et lire tout ce que les autres ont écrit avant vous. Lisez leurs livres, après ! Pour avoir des idées neuves, il ne faut pas être prisonnier des autres. »
Marcel Loquins,
Quelle langue parlaient nos ancêtres préhistoriques ? 
  2002.
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L’idée est vraie. C’est probablement à l’intuition, et sans doute parce qu’il n’est ni linguiste, ni paléontologue, que Marcel Loquins a réussi à entreprendre cette passionnante recherche sur les langues préhistoriques. Peut-être même, parce que son propre patronyme évoque plus qu’étrangement celui d’un véritable descendant des premiers Homo loquens…
Car Marcel Loquins épie, dans la paléontoponymie notamment, les mots qui eurent voyagé depuis que l’Homme entra dans une caverne pour y loger ; et bien avant, dit-il ! Ainsi, traque-t-il même le mot homme (« Ecce homo ») et, bien évidemment, le mot qui désigna Dieu ou quelque divinité, et qui serait — avec certitude, selon lui — Hel,
premier témoignage d’un langage articulé, première syllabe prononcée et transmise dans l’histoire de l’oralité, premier élément qui permet, aujourd’hui, de pointer la différence essentielle entre l'Australopithèque et « l’animal pensant »... et donc parlant, que nous sommes devenus.
Autant que nous trouvons, parfois, quelque présence d’une plante ou d’un insecte creusé dans un extrait de roche, autant Marcel Loquins collectionne les phonèmes fossiles qu’il découvre. Qu’il découvre, comme s’il ramassait des cèpes, des girolles, des chanterelles, car Loquins est, au départ, et reconnu comme tel, un spécialiste mondial des champignons — discipline pour laquelle il effectue des comparaisons surprenantes avec l’évolution des langues préhistoriques.
Autre parallèle évident pour lui, le babil du bébé, qu’il confronte avec le langage qui s’installa progressivement, durant un million d’années, chez nos très lointains ancêtres : les consonnes, que l’enfant distingue, puis parvient à maîtriser, inverser avec ses sons de voyelles, seraient sensiblement les mêmes qui évoluèrent avec le temps selon que le larynx se transformait. Selon Marcel Loquins, la progression du langage parlé serait donc à ranger parmi les « catastrophes » historiques les plus importantes de l’histoire de l’Humanité. C'est également le sentiment auquel parvient Elsinoé, le programme informatique doué d'une mauvaise foi sans égale que le chercheur a inventé pour l'aider à conclure sa thèse.

Un livre relu, pour répondre à une question semblable au titre de ce livre, posée par Lena.