mardi 25 novembre 2014

Une autobiographie

« J'ai écrit des tas de chansons. Certaines sont nulles, d'autres géniales, d'autres encore seulement passables. Enfin, tout ça, c'est l'opinion des autres. Pour moi, elles sont comme mes enfants : elles naissent, elles grandissent et elles sont lâchées dans le vaste monde et doivent se débrouiller toutes seules. Ce n'est pas un endroit pour une chanson, le monde. Ça peut se retrouver sur une cassette jetée à la poubelle, ou sur un CD abandonné par quelqu'un, ou même dans un bac de disques bradés. Ça peut finir en air oublié qui se languit sur un vinyle à la décharge ou, avec un peu de chance, sur l'étagère d'un disquaire indépendant. »

Neil Young, Une autobiographie   2012.
________________
Georges Brassens disait qu'une fois écrites, ses chansons ne lui appartenaient plus. Libre à quiconque d'en disposer, de les interpréter, de les posséder. De leur donner nouvelle vie.
Même s'il s'inquiète de leur sort, Neil Young s'est toujours préparé à émanciper ses compositions, à leur offrir la liberté, quitte à ce qu'elles s'évadent, errent, se perdent. Comme il a toujours été, lui-même, un grand voyageur, il accorde à ses créations l'idée qu'elles puissent partir s'aventurer sans lui. Ce grand baroudeur canadien, né à Toronto, en 1945, a effectué ses débuts à Winnipeg, avant d'aller s'installer en Californie, à San Mateo, comme le firent Joan Baez, en son temps, ou… Célestin Jaussaud, bien avant.
Mais ses voyages et multiples virées à travers les états des deux Amériques tiennent à un insatiable besoin de rouler, d'être en partance, continuellement. Tant est-il mené par la faim d'avaler des kilomètres, que l'une de ses passions les plus assumées est la construction de trains électriques, et, bien entendu, l'achat compulsif de belles voitures (Ford, Buick, Cadillac, etc.). Et, au gré de l'énumération de ses automobiles, bus et corbillards, l'artiste raconte, par étapes, ses histoires, de ville en ville, de disque en concert. Parle de ses musiques, de sa vie consacrée à la musique, de ses envies de créer projet après projet, sans cesse, comme une obsession, une boulimie incurable.
Si ce n'était le titre du livre, qui avertit le lecteur, on se laisserait surprendre par la découverte d'une autobiographie camouflée derrière une sorte de journal intime. Car il ne s'agit pas — hélas ? — d'un pavé biographique autoritaire et rangé ; ici, Neil Young prend davantage le rythme d'un récit au verbe plus spontané que construit. Nous avons presque le sentiment que ses « mémoires » n'ont guère subi la moindre relecture. Le texte est brut, abrupt. Parfois maladroit, bien que le caractère d'une rock star visuellement imbue d'elle-même puisse expliquer la « suffisance » de l'écrivain et l'engagement très aléatoire d'une personne éminemment orgueilleuse, qui pousse le vice à juger l'égocentrisme d'autrui.
Un livre lu en écoutant la bande originale du film "Dead Man", l'un des plus beaux albums du chanteur et guitariste — mais que l'auto-biographe n'évoque pas dans ses souvenirs —, et pour essayer d'apprendre tout ce que savent déjà les deux chevaux fous Matthieu et Cyrille sur le Loner.