mercredi 30 janvier 2013

Montaillou, village occitan

« Trop de gens aujourd'hui — et même dès 1300… — considèrent les paysans comme des « brutes épaisses ». Ils confondent le silence rural, la timidité, le non-don de soi et la pudeur de l'homme des champs, avec l'inculture. »
Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan   1975.
________________
Dans nos recherches, la connaissance du quotidien des petites gens demeure, quoique l’on découvre, systématiquement ignorée. Sûr, nous l’imaginons, le décrivons, le construisons à partir de bribes, de regroupements, de déductions pour le moins hasardeuses ou prétentieuses, mais nous sommes bien loin d’obtenir l’assurance de l’image précise d’une vie au village, avec ses échanges et ses conversations banales autant qu'improbables. Les pensées à hautes voix des habitants se sont éteintes avec le temps. Et ce ne sont ni les registres éparpillés sur les étals de quelque dépôt d’archives, ni les toiles des maîtres dans les musées, qui nous restituent l’univers réel d’une journée au XIIIe ou au XIVe siècles.
Pourtant, Emmanuel Le Roy Ladurie nous fait (ou ferait presque) croire qu’avec les rapports de l’inquisiteur Jacques Fournier, évêque de Pamiers, des scènes plébéiennes s’ouvrent devant nous en de longs tableaux. Des estampes qui se coloreraient, après que l’on eut défroissé les rideaux d’un théâtre. Besson et Spielberg, réunis, ne feraient mieux que notre docteur honoris causa. Herzog, Tavernier, Vigne ou Jean-Jacques Annaud, à peine.
« L’enquête », menée par l’auteur d’un précédent ouvrage de référence, Les paysans de Languedoc, n’est rien d’autre qu’une immense étude de mœurs qui couvre trente années de la communauté d’un petit village de haute Ariège, Montaillou, entre 1294 et 1324. Rien ne nous est plus inconnu, en ce qui concerne les liens — pour le moins très intimes, ici — entre les Montaillonais, les
Montaillonaises, les seigneurs locaux, les religieux, les familles influentes, les bergers et les marchands du pays appaméen. Aux témoignages des croyants, hérétiques, infidèles, bonshommes, ménagères et servantes, et sous fond de climat cathare suspicieux et délétère, les tempéraments se dessinent, les tensions se révèlent, les enjeux s’éclaircissent. Comme si c’était hier.
Un livre relu, avec le souvenir de ce village de Montaillou, dont les domus, dispersées sur son sèrre pentu, au cœur d’un été ariégeois, nous offraient récemment l’impression d’un Moyen Âge ressuscité.

3 commentaires:

  1. Toujours fines et enrichissantes tes Pensées mon Pascal. Merci.

    RépondreSupprimer
  2. Un livre qui ne doit — sinon ne devrait — pas avoir de secret pour toi, cher Estève…

    RépondreSupprimer
  3. Ben si, je dois le confesser je ne connais pas !!! Honte à moi.

    RépondreSupprimer