« L'été vibre de ses chevaux, tu es nue sous ta peau nuptiale
Nuptiale et nue, bien après tout, portent les mêmes initiales
Pourquoi pas jouer sur les mots, on joue bien sur les corps des femmes
Et moi, enfant cassé déjà, et que l'amour sans cesse affame
Quand je dépose sur ton sein, ma bouche à jamais maladive
Accouplée comme le vitrail, sous la cambrure de l'ogive
C'est là, que je mourrai heureux, vidé de mes pluies éphémères
Qui ne savaient plus qui mouiller »
Jean-Michel Caradec, À ma femme — 1975.
________________
Il y avait, toujours, un disque de Jean-Michel Caradec, prêt à tourner, en ces années où seuls les vinyles étaient notre musique. Son univers, sa poésie, toute la sincérité de ses textes et de ses contes chantés faisaient un monde où la Bretagne n'était jamais loin, où les villages et les chemins menant entre les falaises et les landes guidaient nos rêves et nos premiers arpèges à la guitare.
"Portsall", "Ma Bretagne quand elle pleut", "Le petit ramoneur", "Les oiseaux volaient à l'envers", chaque chanson, même si elle apportait quelque chose de différent à la précédente, était une image forte, et fidèle au tempérament que l'on devinait chez ce jeune et sensible auteur. Même lorsqu'il composait pour les enfants — "Les secrets", par exemple —, son écriture délicate effleurait l'intime. Des couplets de "À ma femme" auraient pu être chantés par Jacques Brel ou Léo Ferré ; pourtant, Caradec était davantage l'enfant de Bob Dylan ou de Woody Guthrie que de ces auteurs français. Ou, davantage, le frère d'un Jack Treese, aussi discret et humble que le guitariste, pour qui il avait composé un "Clin d'œil", sur l'un de ses albums. Il était l'ami de Maxime Le Forestier, qui reprendra l'un ou l'autre de ses titres ("Mai 68"), en concert.
Bien sûr, l'ombre de Dylan ("Pas en France", "Parle-moi") errait, parfois naïvement, dans le chant de Caradec. Bien sûr, les orchestrations de ses disques n'étaient pas toutes une grande réussite (choix de la production, qui imposait ses arrangeurs). Mais sa poésie était aussi simple et heureuse, que le personnage se faisait attachant et complice, lorsqu'il racontait ses histoires, lorsqu'il nous conviait vers son imaginaire ("Le montreur d'ours"). Entre une virée en bateau et une partie de football avec les copains.
Une chanson de Jean-Michel Caradec, écrite pour sa p'tite wife, des vers qui résonnent encore, et qui rappellent combien ses chansons nous manquent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire