«
Il
avait derrière lui une route longue de huit mille kilomètres. Et devant
lui, rien. Brusquement, il vit ce qu’il croyait invisible. »
« Dans
la pièce, tout était tellement silencieux et immobile que ce qui arriva
soudain parut un événement immense, et pourtant ce n'était rien. Tout à
coup, sans bouger le moins du monde, cette jeune fille ouvrit les yeux. »
Alessandro Baricco, Soie — 1997.
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« On était en 1861, Flaubert écrivait Salammbô, l'éclairage électrique n'était encore qu'une hypothèse et Abraham Lincoln, de l'autre côté de l'Océan, livrait une guerre dont il ne verrait pas la fin. » Sur ce tableau commence l'histoire d'Hervé Joncour, un jeune homme originaire de Lavilledieu, non loin du Vivarais cévenol, berceau des Ariffon. Afin de trouver des vers à soie sains (l'épidémie de pébrine ravage la sériciculture du sud de la France), Hervé Joncour traverse l'Europe et l'Asie pour se rendre au Japon, où il rencontre Hara Kei, seigneur et riche propriétaire, parlant le français, qui lui vend la marchandise tant convoitée. Le jeune marchand revient chez lui aux premiers jours de printemps, pour « la grand' messe », et sa vie va changer.
Au fil de ses voyages annuels, les régions de l'Ardèche et du Japon deviennent voisines. Rien ne parait exister entre les deux endroits. Ni au-delà. Ce rien, évoqué par Alessandro Baricco, signifie que rien d'autre n'existe plus. Ou que l'on ne voit rien d'autre, mais que l'on devine l'invisible. Cet invisible d'autrefois, qui existe à présent et devient immensité. Hervé Joncour retourne plusieurs fois, à l'autre bout du monde. Acheter des vers à soie n'est presque plus qu'un prétexte. Il effectue huit mille kilomètres, pour y trouver la soie, et pour y retrouver son monde invisible. Huit mille kilomètres, c'est loin. Une véritable quête de… soi. La femme qu'il aime, inconnue et silencieuse, est à l'ultima Thulé de ces huit mille kilomètres. Ou, peut-être, moins loin ; là, tout près. Si loin, si près… Mais le sait-il, seulement ? La soie, ce fil de salive qui devient la douceur d'un voile sur la peau, tisse un amour impossible…
La musique, minimaliste, d'Arvo Pärt, choisie pour illustrer la pièce imaginée par la Compagnie Triptyk Théâtre autour de l'œuvre de Baricco, invite à se bercer des silences que suggère le voyage initiatique d'Hervé Joncour. L'accompagnement semble être la caresse d'un archet sur l'une de ces vièles que l'on rencontre dans les pays qui se relient pour devenir la Route de la Soie, et l'on entend l'art instrumental de ces musiciens traditionnels.
Un
livre « lu », sous le texte de Vincent Leenhardt et la mise en scène de Denis Lanoy, lors de la représentation de "Soie", donnée à la Maison de l'Eau d'Allègre-les-Fumades, au près de ce pays de la soie cévenole, où les feuilles de mûrier se vendaient, jadis, comme des feuilles d'or.
Belle découverte, fine histoire et votre plume m'amic...quel talent. Le bonheur est au bout des 8000 kilomètres ou là, devant nos yeux. Tout cela fait écho en moi vous savez.
RépondreSupprimerMerci pour cet écho, Estève.
RépondreSupprimerEn grand runner que vous êtes, effectuez 4000 kilomètres dans un sens, puis 4000 autres pour le retour. C'est une idée…