« I was the skin for your thorns
The pale light for your bloom
Black rose »
[ J'étais la peau pour vos épines
La lumière pâle pour votre fleur
Rose noire ]
Piers Faccini, Black Rose — 2013.
________________
Piers Faccini, c'est lui le magicien. Il est six heures et quinze minutes, et il nous entraîne dans l'univers d'une sorte de « raga du matin ». Une paire d'heures auparavant, à près de soixante-quinze kilomètres de là, à St-Jean du Gard, les musiques de Lost Highway nous régalaient encore, et ici, pour l'épilogue de la Zat de Malbosc, à Montpellier, c'est une terrible sensation d'arriver sur une autre planète, avec ce rendez-vous matinal précis, en voyageant d'un lieu à un autre, d'une scène à une autre.
Le jour se lève, il fait plutôt (antarctiquement ?) froid, quelques dizaines d'insomniaques privilégiés voient Piers hésiter à poursuivre le set après que trois morceaux et quelques gouttes de pluie ne soient tombées sur les guitares. Deux pro-tentes dressées vitement par les techniciens vont protéger le chanteur et son batteur, et le concert continue, entre ballades et fond de blues qui doit autant aux vieux musiciens du Mississippi qu'aux plus jeunes du Mali. La courte bruine cède pour que l'ambiance nuit-jour ne soit plus que l'unique binôme qui enveloppe dans son écrin intemporel le couple formé par Piers Faccini et Simone Prattico, et apporte, à ce dimanche de Pâques, une dimension irréelle. Un rêve, un enchantement. Une douceur. Une image qui ressemble à Woodstock 1969, disent de faux nostalgiques…
Piers Faccini chante "Black Rose", ainsi que d'autres titres de son récent album, joliment intitulé "Between Dogs and Wolves", à l'instar de ce concert qui a démarré à l'instant où les fauves terminent doucement leur nuit d'errances. Et rien n'existe d'autre, dans cette aube où le noir du ciel vire à l'orangé.
Piers Faccini ne se dissimule pas. Sa voix et sa guitare sont celles des enregistrements, épurées et résolument intimistes. Sa musique est simple, franche, d'une sincère poésie, les cordes de ses instruments sonnent sous les arpèges ou le bottleneck. Seul son complice batteur et les anches des harmonicas qui vibrent s'ajoutent à son jeu de guitare pour entourer le chant. Un timbre légèrement éraillé, une voix qui caresse, soyeuse, feutrée ; il nous plaît de désigner Piers Faccini comme digne et légitime héritier de Nick Drake.
Un concert de Piers Faccini, qui nous berce et nous sucre comme un mélange d'épices, et nous fait passer du jour à son lendemain — le thème "Le pic du jour", une mazurka jouée par Lost Highway, à la fin de ladite nuit cévenole, avait réellement un titre prémonitoire…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire